A lui seul le nom du groupe nous propulse dans une époque révolue. Imagine-t-on une seule seconde, en 2018, une formation qui oserait se nommer Les Goths ? A une époque (1968) où le rock gothique n’existait pas, le nom, pas encore encombré de tout l’attirail morbide idoine (crucifix, poignard, clous, chaînes), nous apparaît (en 2018) d’une touchante naïveté. Si le groupe semble attiré par des thématiques assez sombres, la musique est elle bien de son temps, 1968, rock psychédélique. Ainsi dès le premier titre, « Turn Over », le trio nous rappelle un autre, bien connu, celui du Jimi Hendrix Expérience que le guitariste Gino Frascone tente d’imiter avec une touchante maladresse. Même appétence pour le blues (« Out of the sun ») et esprit aventureux identique. Les quatre plages instrumentales, bouillonnantes (cf. les 7 minutes de « Wake Up »), sont là pour le rappeler et font montre d’une ambition musicale peu commune en plein yé-yé. Ainsi le groupe explose tout sur son passage dans une grande giclée acide de guitare électrique (« Blues gamelle »), il reste un peu de blues (« A man has been entered ») ou de (très très) free jazz dans les rythmes dans la batterie de l’excellent Bruno Frascone qui conjugue à la perfection l’esprit aventureux sans pour autant perdre l’auditeur dans des délires abscons. Mais c’est lorsqu’ils chantent en français (la merveilleuse « Le jour était gris », « Rêve de silence ») que les Goths nous touchent le plus, les mots barrés (« fou, malade, cinglé ! ») étant en parfaite adéquation avec le délirant magma sonore. Jamais sorti à l’époque, oublié sur une étagère prenant la poussière pendant des décennies, c’est un petit miracle que ce disque arrive à nous et s’impose, de suite, comme un indispensable du rock français.
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