Avec le recul, bien des choses ont changé après ce premier album des corbeaux d’Atlanta. Remettons-nous dans le contexte. 1990. Le rock a quarante et quelques années d’existence et a connu autant de mutations, des pionniers (Elvis, Chuck Berry etc.) à la new wave. La new wave justement, et ses jeunes turcs ne jurant que par les synthés et autres boîtes à rythmes, bientôt, guitares, harmonica et orgues Hammond seraient totalement obsolètes. Sauf pour les cinq d’Atlanta. Qui eux justement, sur ce premier album, remettent au goût du jour ces éléments précis : des guitares (on note la participation sur l’album de l’éphémère Jeff Cease tombé aux oubliettes depuis), de l’orgue, de la batterie, de la basse et de l’harmonica. 1990. Pour la première fois, le rock se retourne sur son histoire et un groupe se revendique nostalgique au point de sortir un album à la mode des années 1960/1970. A partir de là tout change et ces deux décennies deviennent l’Alpha et l’Oméga à l’aune desquelles chaque nouvelle formation sera jugée. Les sixties et seventies deviennent l’âge d’or du rock et les Black Crowes entendent bien leur rendre l’hommage qui leur est dû. Une nouvelle aire, nostalgique, commence pour ne jamais réellement se terminer. Et les Black Crowes sont, eux, devenus les champions du classic rock. Mais il faut dire que la découverte de ce fameux premier album nous a fait un bien fou. Tout tient en seul mot : le groove (cf. « Hard to handle » reprise d’Otis Redding). En 1990, depuis quand n’avions nous pas écouté un groupe de rock’n’roll qui groove ? Le groove qui fait tout le sel de ce premier album, sec et concis. Les guitares de Rich Robinson sont posées, abrasives et tranchantes, et, derrière son pied de micro, Chris Robinson s’arrachent les cordes vocales sur chaque morceau (« Struttin’Blues »). Alors que, à l’opposé, « She Talks to Angels » montrent aussi les capacités du groupe dans un contexte acoustique plus émouvant. Et surtout, à l’époque, les Black Crowes savaient faire preuve de concision, évitant de se perdre dans des jams interminables qui deviendront, hélas, une de leur signature. Nous l’avouons bien volontiers, c’est avec une certaine émotion, que l’on redécouvre l’album à l’occasion de réédition dans un bel écrin de 3 cédés (une collection de faces B et un concert à domicile, à Atlanta, en décembre 1990). Un formidable premier album, classique instantané, qui fera naître bien des promesses, pas toujours bien tenues par la suite, mais ça c’est une autre histoire…
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