Diantre, qu’il était dur d’être français, fan de rock n’roll dans les années 70. C’était loin l’Amérique, les disques étaient durs à trouver, les concerts se faisaient rares et il ne fallait pas trop compter sur la scène locale, pour se remonter le moral… D’une manière générale, la musique circulait bien moins facilement en ces temps reculés, pré-internet. C’est en faisant ce triste constat qu’Alain Chennevière (qui deviendra une star une grosse dizaine d’années plus tard au sein de Pow Wow) et ses potes décident de lancer leur propre groupe, Les Alligators. L’aventure fût belle et les mena jusqu’à la scène de l’Olympia où ils ont assuré la première partie d’Eddy Mitchell. Mais avant cela il y eut les premiers quarante-cinq tours, en anglais, puis la transition vers la langue de Molière, loi sur les quotas radios oblige. La présente compilation regroupe l’intégrale du répertoire en français des Alligators avec en bonus quelques démos inédites en fin de cd. A l’instar des Stray Cats, les Alligators furent les héros français d’un revival rockabilly du début des années 80. Sur l’ensemble de ces plages, composées de reprises adaptées en français et de compositions inédites, Alain Chennevières est déjà un chanteur remarquable, une voix de stentor, grave à souhait, pêchue mais aussi capable d’une distanciation nécessaire pour les slows (pour l’avoir vu plusieurs fois sur scène au côté d’Elliott Murphy on peut affirmer qu’il chante encore mieux maintenant qu’à l’époque). Car les Alligators ne furent pas qu’une machine à swing balançant du rockab’ furieux à cent à l’heure (ce qu’ils ont fait avec talent soit dit en passant cf. « Minuit blues »). Un titre comme « Du blues dans le rock n’roll » va chercher l’inspiration dans le blues lent, saxophone à l’appui. Les paroles des Alligators évoquent les émois adolescents, l’amour, les filles, tout ça, tout ça. C’est un peu naïf, innocent mais surtout frais. Ce fût en tout cas une bouffée d’air frais sur ce chemin aride auquel s’apparente parfois le rock français…
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