Acheté un jour par hasard dans une brocante, l’auteur de ces lignes est littéralement tombé sous le charme du guitariste Roy Buchanan. Un bluesman dans l’âme, d’une virtuosité, hélas, trop méconnue. Cet album live, enregistré à New York City, en novembre 1974 montre le musicien à l’acmé de ses capacités. Un feeling exceptionnel, un sens de la note juste, qu’il met au service d’un répertoire étendu allant du boogie « Reelin’and rockin » (de Roy Milton, à ne pas confondre avec le titre de Chuck Berry) à la soul d’Al Green (« I’m a ram »). Aussi bien à l’aise sur les formats courts, mettant l’efficacité en avant que sur les longues dérives où l’émotion prend le dessus. Comme souvent dans le blues, la musique s’articule ici autour de la notion de solo. Souvent ceux de Buchanan à la six-cordes mais n’oublions pas l’orgue, une démarche proche de la jam qui culmine sur les huit minutes de « Roy’s bluz » qui fait passer l’auditeur par toutes les couleurs. Mais d’où tire-t-il ces sons qui en disent tellement plus que les mots ? Autre grand moment du disque, « Can I change my mind » au groove dévastateur. Un trop plein de sensibilité, on l’entend également dans son chant, qui fait le bonheur de l’auditeur mais, hélas, mènera l’artiste à sa perte. Car cet album marque une sorte de climax avant la dégringolade sévère qui débute avec la perte de son contrat avec le label Polydor. Au début des années 1980, Buchanan s’éloigne du monde de la musique. Ce n’est qu’au mitan de la décennie qu’il retrouvera le chemin des studios. Et alors que sa carrière semblait repartie sur les bons rails, Buchanan est arrêté pour ivresse publique dans les rues de Fairfax en Virginie. Au matin du 14 août 1988, Buchanan est retrouvé pendu dans sa cellule. La fin dramatique, sordide, d’un talent exceptionnel comme le prouve cet excellent album.
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