Une pochette estivale, un soleil de plomb dardant de ses rayons la mer, scintillant de mille feux, et, déjà, se glisse subrepticement dans un coin une tête de mort, associant chaleur et camarde, véhiculant subtilement l’idée d’une humanité courant à sa perte (cf. la sépulcrale « Choral »). Nous sommes en 1978 et le quatuor, portant le nom intriguant de Shylock (usurier) sort son deuxième album. Un disque ambitieux et virtuose, décalé aussi, en pleine époque punk. Il est évidemment question de rock progressif, et la chose commence fort avec le morceau titre placé en ouverture : 13 minutes hallucinatoires entre soli de guitares et synthés prophétiques ! Redécouvert en 2019, la chose apparaît comme annonciatrice du son des années 1980. Une approche clairement en avance sur son temps se parant parfois d’atours expérimentaux et pré-noise (la merveilleuse « Le sang des capucines »), bien éloignés du format chanson, délivrant au passage la sacro sainte dose de décibels nécessaire à l’auditeur, ou enserrant à bras ouvert la liberté du jazz du même nom (cf. le swing d’ « Himogene »). Liberté de pousser le volume des amplis, liberté prise avec la formule couplet/refrain, liberté enfin de tâtonner, de chercher les frontières de la créativité offertes par ce nouvel et étrange instrument : le synthé. Très probablement mûrement réfléchie, la musique de Shylock coule pourtant comme de l’eau de source cultivant l’illusion d’une formation en roue libre jammant sans fin, composant son album au fil de l’eau entre éclairs de génie à la guitare ou au synthé et break funky ravageurs de la batterie. Un disque exigeant, dans le sens où il cultive l’inconfort avec brio (cf. les dix minutes de « Laocksetal »), mais aussi un superbe voyage musical qui trouve son écrin naturel dans le format vinyle tant il est indispensable d’écouter la chose dans l’ordre et dans son intégralité.
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