Mésestimé à sa sortie, mal-aimé depuis, le troisième album du Band se voit enfin réhabilité grâce à cette réédition luxueuse. L’album est sorti le 17 août 1970, une période cruciale pour le groupe, un an pile après le festival de Woodstock. Et depuis le groupe en a vu, du pays, mais aussi, surtout, quelques comportements erratiques chez d’autres collègues musiciens, comme autant de drames en gestation… Il en résulte cette tonalité sombre qui obscurcit les paroles (cf. « The Shape I’m in ») et décrit les peu reluisants à-côté du show-biz de l’époque (« Time to kill »), prémonitoire quelques semaines à peine avant les disparitions conjuguées de Jimi Hendrix et de Janis Joplin… Musicalement, le groupe évolue sur un registre identique à ses deux premières sorties, un subtil mélange de sonorités traditionnelles, folk et country, et de rock. Un mélange scellant la rencontre entre l’accordéon et la guitare électrique, finalement bien éloigné de l’idiome hippie. L’alchimie est cependant peut-être un peu moins inspirée, éclectique, que sur leur premier album. Dès lors, la cause était entendue, l’album était jugé raté ! Pas si vite… Un jugement trop hâtif qui fait bien peu de cas de l’exceptionnelle virtuosité des musiciens qui émaille, ici et là, le disque de véritables perles (la formidable « Stage Fright », « Just Another Whistle Stop », « Strawberry Wine »). Swing élégant et un feeling débordant (l’émouvante « All La Glory ») sont belles et bien les deux caractéristiques principales de la musique du Band qui nourrissent l’album. La présente édition est agrémentée de neuf titres en bonus (deux versions alternatives et les Calgary Hotel Room Recordings de 1970, en guise de témoignage acoustique exceptionnel pris sur le vif justifiant le proverbial « Time to kill »). Cerise sur le gâteau, un deuxième, très dense, disque complète le tout ; enregistré en concert au Royal Albert Hall en juin 1971, comme un écho ironique au titre de l’album…
No Comments